La possibilité de montrer son corps dans la vie quotidienne, en tant que femme, est une des victoires essentielles obtenues ces dernières dizaines d’années. Inversement, l’obligation insidieuse qui est faite de l’exhiber en permanence m’agace au plus au point. Que l’on puisse trouver des shorts tellement courts que les poches 1 dépassent par dessous ne me gène pas le moins du monde. Que je galère atrocement à trouver un bermuda, même en allant dans les magasins de sport où la sexytude devrait être une contrainte plus qu’accessoire, ça, ça m’ennuie carrément. J’ai le même problème pour dégoter des tee-shirts qui couvrent mes aisselles et mon ventre même quand j’agite mes bras en l’air, des robes ou jupes qui ne m’obligent pas à vérifier si la pudeur est sauve dès que je m’assoie, des pantalons qui ne soient pas moulants et qui couvrent mon arrière-train même quand j’ai l’idée saugrenue de me pencher, des culottes qui tiennent en compte de l’existence des fesses pour le métrage du tissu et ne se transforment pas de facto en string inconfortable 2, ou encore des maillots de bain qui ne présupposent pas de mon envie de dévoiler mon aine au reste du monde. Au final, absolument toutes les pièces de vêtements rétrécissent quand elles passent du rayon homme au rayon femme (le prix ayant une certaine tendance à suivre la règle opposée).
Alors certes, je ne suis pas une spécialiste de la mode (c’est une sacrée litote) et je rate peut-être les magasins achalandés selon mes désirs. D’ailleurs, pour que les choses soient claires, cet article se basera principalement sur mes trouvailles dans un seul et unique magasin de sport, parce qu’il me faut hiberner 4 mois afin de réunir l’énergie nécessaire pour me traîner dans un magasin plein de vêtements et de vendeurs, avec la hantise d’en sortir bredouille. Au bas mot. Voire plus. Cette focalisation ne cache donc absolument pas une publicité déguisée. D’ailleurs, si vous avez trouvé la corne d’abondance vestimentaire qui regorge de prêt-à-porter tel que j’en rêve, sentez-vous libre de partager votre trouvaille dans les commentaires.
Venons-en enfin au sujet de cet article : les maillots de bain.
À la piscine
Concernant les maillots de bain, mon but est clair : je veux pouvoir aller à l’eau sans avoir à m’épiler l’entre-jambe et sans pour autant exposer mes poils pubiens aux yeux des passants. J’ai trouvé il y a déjà un bout de temps des modèles « shorty » dans des magasins de matériel sport. Il y a encore 3-4 ans 3, il n’y avait en général qu’un seul en tout et pour tout. Aujourd’hui, sur une quarantaine de maillots de bain exposés en rayon dans un Décathlon de Paris, il y en avait environ 6-7 (côté homme, la proportion est inverse, la mode semblant être à la pudeur de l’aine masculine). Ça progresse !
Toutefois ils présentent un sacré problème : le shorty étant au final très court, il a tendance à remonter dès qu’on se met à marcher ou, pire, à nager (quelle idée aussi). Ça dépend peut-être des morphologies, mais pour ma part je me retrouve à devoir le remettre en place sans arrêt pour que ma pilosité ne prenne pas l’air (enfin, l’eau). Or je ne veux pas avoir à y penser 4 : ma définition personnelle d’un vêtement confortable c’est celui qu’on oublie dès que l’on a fini de l’enfiler.
Après des années de quête devais-je me satisfaire de cette victoire en demi-teinte ? Que nenni, car le Graal natatoire m’est enfin apparu dans toute sa splendeur : un cycliste de bain. Grâce en soi rendu à la mode incongrue de l’aquabike !
Nous en revenons à la situation d’il y a quelques années avec les shortys : un unique modèle une pièce, et un autre modèle deux pièces. Et encore pour ce dernier, la notion de deux pièces est relative : de fait, il y a un bas, mais le haut est un t-shirt de bain (pratique pour les frileuses, mais ça devient trop chaud si l’on nage). Il suffit toutefois de le combiner avec un haut de maillot quelconque et le tour est joué. Côté homme, il y avait 3 ou 4 modèles différents de cette longueur… tous plus chers que le seul féminin. C’est à souligner tellement c’est habituellement l’inverse.
À la plage
Me voilà donc pourvue pour les activités aquatiques en piscine. Toutefois, les contraintes estivales ne sont pas tout à fait les mêmes. Je restais sur ma base (pas d’épilation du pubis, confortable) à laquelle j’ajoutais l’envie tenace d’avoir des poches ; sans oublier que je n’étais plus limitée par les restrictions en usage dans les piscines. L’aspect confort était même encore plus important : quand je suis en train de crapahuter à quatre pattes pour ériger des circuits en sable afin d’organiser des courses de petites voitures sur la plage, il est hors de question que mon esprit soit pollué par des considérations du type « merde, est-ce que mon maillot couvre encore tout ce qu’il faut ? »
L’année dernière, une newsletter me vendit du rêve avec le boardshort pour femme en promettant des modèles variées, allant tous jusqu’à mi-cuisse. Ce sont simplement des shorts de bain parfois muni d’une poche, dont le nom vient du monde du surf. J’allais donc au magasin histoire de juger sur pièces. Côté modèles variés, rien à dire. Par contre, les stylistes et moi n’avons clairement pas la même définition de ce qu’est une moitié… Alors que la longueur de mes jambes m’impose de raccourcir tous les pantalons que j’achète, le tissu peinait à couvrir plus que les modèles de piscine shorty… Avec en sus l’obligation de mettre par dessous un maillot type culotte sous peine de montrer bien plus que quelques poils. Et pour continuer dans la déception, l’unique poche (quand elle était présente) était minuscule.
C’est là que j’ai pris mon courage à deux mains pour balancer à la flotte mes réflexes enkystés en matière d’achat. En ayant l’impression persistante de bafouer un interdit fondamental servant à cimenter la base de notre société, je suis allée me servir du côté des hommes. Ça a l’air con, dit comme ça, mais il m’a fallu un passage aux cabines sans que ma sélection fasse frémir ne serait-ce qu’un bout de paupière du vendeur pour que je commence à me détendre : j’étais visiblement passée sous le radar de la police des genres. Bref, j’y ai trouvé des bermudas de plages de la longueur voulue, avec non pas une mais deux poches totalement fonctionnelles, un slip fort confortable en résille intégré, le tout pour un prix bien inférieur à ce qui se trouvait dans le rayon femme. Ceci m’a permis de découvrir que les tailles sont identiques pour les deux genres 5, et que la présence d’un cordon permettait sans souci d’ajuster au niveau de la ceinture. Pour les hauts, il a bien fallu que je reparte vers mon rayon assigné à la naissance, mais vu les gammes de coloris, j’ai pu trouvé des modèles qui ont fait croire à plusieurs personnes que mes ensembles étaient assortis (nonobstant ça ne m’aurait pas arrêté).
Nous verrons bien (enfin, pas moi, j’ai donné côté hibernation l’hiver dernier) si cette année les modèles seront plus variés en longueur et plus pochus 6 côté femme, mais en attendant, j’ai trouvé une solution tout à fait satisfaisante à mon problème de base.
Notes :
1. ↑ On pourrait même penser que c’est une preuve de la présence de poches d’une taille suffisante pour les rendre utilisables, contrairement à beaucoup de pantalons pour femme. Mais il n’est pas impossible qu’elles soient cousues pour compenser.
2. ↑ La quête de la culotte anatomiquement raisonnable n’est pas de tout repos comme le dépeint sur son blog Julie Guillot. Quelques marques sont citées dans les commentaires de sa BD pour celles que ça pourrait intéresser.
3. ↑ C’est-à-dire quand j’ai commencé à écrire ce satané article. Au final, procrastiner a permis de lui donner une tonalité plus raccord avec le thème de ce blog, comme vous pourrez le constater en continuant à lire le texte principal plutôt que de perdre du temps dans les notes en bas de page.
4. ↑ C’est bien là un des problèmes du rétrécissement des vêtements féminins : non seulement on en montre de plus en plus, mais en sus ils sont conçus de façon à devoir être surveillés/remis en place/ajustés pour ne pas en révéler plus que prévu (la pudeur étant encore dans les normes sociales), ce qui occupe l’esprit d’un bruit parasite continu.
5. ↑ Cette information pourrait aussi intéresser les hommes voulant montrer davantage leurs gambettes, puisqu’il leur faudra pour cela aller côté femme. En effet, dans leur rayon, vu la longueur du plus court des shorts de plage que j’ai vu, ils risquent de ne pas trouver leur bonheur.
6. ↑ Ma demande pour l’introduction de ce mot dans les versions 2017 des dictionnaires de la langue française est encore en attente. C’est bien dommage, cet adjectif manque gravement à notre vocabulaire vestimentaire.